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LA PARTIE DE BACCARA

agents et des inspecteurs allaient et venaient. M. Erstein, le père de la victime, se tenait debout, à l’écart, ainsi que le domestique Joseph. M. et Mme Fougeraie restaient dans un coin, lui sombre et l’expression inquiète, elle plus pâle encore que d’ordinaire : on savait que l’arrestation de l’ingénieur était décidée.

L’un des magistrats, s’adressant aux quatre joueurs, leur dit :

« L’instruction, messieurs, va procéder à la reconstitution de la soirée du vendredi. Vous voudrez donc bien reprendre vos places autour de la table afin d’esquisser la partie de baccara telle qu’elle eut lieu. Inspecteur Béchoux, vous tiendrez la banque telle que la tenait M. Paul Erstein. Vous avez demandé à ces messieurs d’apporter le même nombre de billets qu’ils avaient ce jour-là ? »

Béchoux répondit affirmativement et s’assit au milieu de la table, Alfred Auvard et Raoul Dupin à sa gauche, Louis Batinet et Maxime Tuillier à sa droite. Six jeux de cartes étaient disposés. Il fit couper et tailla.

Chose bizarre : tout de suite, comme au soir tragique, la veine favorisa la banque. Aussi aisément que le banquier Paul Erstein, le banquier Béchoux gagna. Tandis qu’il abattait huit ou neuf, les bûches alternaient sur les deux tableaux, et cela régulièrement, d’un seul élan de la chance qui s’obstinait, sans ces à-coups et ces revirements qui, malgré tout, avaient marqué la première partie.

Cette continuité, pour ainsi dire mécanique, semblait due à un sortilège, qui acquérait un sens d’autant plus déconcertant que c’était la répétition d’un fait dont les joueurs avaient déjà subi le choc. Désemparé, Maxime