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LA PARTIE DE BACCARA

— Si, affirma Béchoux. Vous voyez, le long de la rampe, des caisses de bois destinées à recevoir des fleurs, et qui ont conservé leur terre de l’été dernier ? On les a fouillées. L’une d’elles, la plus proche, contenait, presque à la surface, sous une couche de terre fraîchement remuée, un coup de poing américain. Le médecin légiste a constaté que la blessure faite à la victime correspond exactement à la forme de cet instrument. On n’a relevé aucune empreinte de doigts sur le métal, car la pluie n’avait pas cessé depuis le matin. Mais la charge semble décisive. L’ingénieur Fougeraie, apercevant dans la rotonde éclairée Paul Erstein, aura franchi le balcon, puis, son crime accompli, aura caché l’arme.

— Mais pourquoi ce crime ? Il connaissait Paul Erstein ?

— Non.

— Alors ? »

Béchoux fit un signe. Mme Fougeraie s’était avancée et elle écoutait les questions de Barnett. Son masque douloureux se contractait. Un effort visible contenait ses larmes sous ses paupières flétries par l’insomnie. D’une voix qui tremblait elle dit :

« C’est à moi de répondre, monsieur. Je le ferai en quelques mots, avec une franchise absolue, et vous comprendrez mon effroi. Non, mon mari ne connaissait pas M. Paul Erstein. Mais moi, je le connaissais. Je l’avais rencontré plusieurs fois à Paris chez une de mes meilleures amies, et, tout de suite, il m’avait fait la cour. J’éprouve pour mon mari beaucoup d’affection, et j’ai un sentiment profond de mes devoirs d’épouse. J’ai donc résisté à l’entraînement qui me portait vers Paul Erstein.