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LES GOUTTES QUI TOMBENT

« Eh bien, chère madame, conclut-il avec une familiarité croissante, je l’attends toujours, ce coup de téléphone. »

Cette fois encore, Valérie fut déroutée par le personnage. Sans vouloir se poser en femme que la mort de son mari a terrassée, elle éprouvait tout de même des sentiments pénibles, auxquels s’ajoutaient l’angoisse de l’avenir et l’horreur de la misère. Elle venait de passer quinze jours affreux, avec des visions de ruine et de détresse, avec des cauchemars, des remords, des épouvantes, des désespoirs dont les traces marquaient durement son visage flétri… Et voici qu’elle se trouvait en face d’un petit homme joyeux, désinvolte et papillotant, qui n’avait pas du tout l’air de comprendre la situation.

Pour donner à l’entretien le ton qui convenait, elle raconta les événements avec beaucoup de dignité, et, tout en évitant de récriminer contre son mari, répéta les déclarations du notaire.

« Parfait ! Très bien !… ponctuait le détective, avec un sourire approbateur… Parfait !… Tout cela s’enchaîne admirablement. C’est un plaisir de voir dans quel ordre se déroule ce drame passionnant !

— Un plaisir ? interrogea Valérie, de plus en plus désemparée.

— Oui, un plaisir que doit avoir ressenti vivement mon ami l’inspecteur Béchoux… Car je suppose qu’il vous a expliqué ?…

— Quoi ?

— Comment, quoi ? Mais le nœud de l’intrigue, le ressort de la pièce ! Hein, est-ce assez cocasse ? Ce que Béchoux a dû rire ! »