Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle ne pourrait pas rallumer la flamme et qu’elle était perdue.

Elle se résigna, lasse de combattre, et se sachant vaincue d’avance dans cette lutte inégale. Le seul dénouement intolérable, c’eût été d’être capturée. Mais pourquoi ne pas s’abandonner à la mort qui s’offrait, à la mort par la faim, par l’épuisement ? Si l’on souffre, il doit arriver un moment où la souffrance s’atténue et où l’on passe, presque à son insu de la vie trop cruelle à cet anéantissement qu’elle désirait peu à peu.

« C’est cela, c’est cela, murmura-t-elle… m’en aller de Sarek ou mourir, peu importe ! Ce qu’il faut, c’est m’en aller. »

Un bruit de feuilles lui fit ouvrir les yeux. La flamme de la bougie expirait. Mais, derrière la lanterne, Tout-Va-Bien était assis, les deux pattes de devant battant l’air.

Et Véronique vit qu’il portait au cou, attaché par une ficelle, un paquet de biscuits.


« Raconte-moi ton histoire, mon pauvre Tout-Va-Bien, disait Véronique, au cours du matin suivant, après qu’elle eut pris un bon repos dans sa chambre du Prieuré, car, enfin je ne crois pas que tu aies cherché et que tu m’aies apporté volontairement de la nourriture. C’est le hasard n’est-ce-pas ? Tu vagabondais de ce côté-là, tu m’as entendu pleurer, et tu es venu. Mais qui t’avait ficelé ce paquet de biscuits au cou ? Nous avons donc un ami à Sarek, un ami qui s’intéresse à nous ? Pourquoi ne se montre-t-il pas ? Parle, Tout-Va-Bien. »

Elle embrassait la bonne bête, et elle lui dit encore :

« Et ces biscuits, à qui les destinais-tu ? À ton maître, à François ? Ou bien à Honorine ? Non. Alors ? à M. Stéphane peut-être ? »

Le chien remua la queue et se dirigea vers la porte. Vraiment il semblait comprendre. Véronique le suivit jusqu’à la chambre de Stéphane Maroux. Tout-Va-Bien se glissa sous le lit du professeur.

Il y avait là trois autres cartons de biscuits, deux