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d’appel, des cris de femmes. Tous les habitants n’avaient donc pas pu prendre la fuite ? Elle éprouva de la joie, mêlée d’un peu de peine, à savoir qu’elle n’était pas seule dans Sarek, et de la crainte aussi à l’idée que les événements allaient peut-être l’entraîner encore dans le cycle de mort et d’horreur.

Autant que Véronique pouvait en juger, le bruit ne provenait pas de la maison, mais des communs, situés à droite de la cour. Cette cour, une simple barrière la fermait, qu’elle n’eut qu’à pousser et qui s’ouvrit avec un crissement de bois qui frotte.

Aussitôt, à l’intérieur des communs, les cris redoublèrent. On avait entendu, sans doute. Véronique hâta le pas.

Si le toit des communs était arraché par places, les murs étaient épais et solides, avec de vieilles portes cintrées renforcées de barres de fer. Contre l’une de ces portes, des coups furent frappés à l’intérieur, tandis que les appels se faisaient plus pressants.

« Au secours !… au secours !… »

Mais une bataille eut lieu, et une autre voix, moins stridente, grinçait :

« Tais-toi donc, Clémence, c’est eux peut-être…

— Non, non, Gertrude, c’est pas eux ! on ne les entend pas !… Ouvrez donc, la clef doit y être… »

Véronique, en effet, qui cherchait le moyen de s’introduire, vit une grosse clef sur la serrure. Il lui suffit de tourner. La porte s’ouvrit.

Tout de suite elle reconnut les sœurs Archignat, à moitié vêtues, décharnées, avec leur air de sorcières méchantes. Elles se trouvaient dans une buanderie encombrée d’ustensiles, et Véronique aperçut au fond, couchée sur de la paille, une troisième femme qui se lamentait d’une voix presque éteinte et qui devait être la troisième sœur.

À ce moment, une des deux premières s’écroula, épuisée, et l’autre, dont les yeux brillaient de fièvre, saisit le bras de Véronique et se mit à parler avec une sorte de halètement :

« Vous les avez vus, hein ?… Ils sont là ?… Com-