Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Est-ce volontairement ? Ou bien est-ce son cadavre que l’on a porté ? Et alors par quel moyen ?

— Est-ce bien la peine ?… objectait Véronique.

— Mais oui. Pensez donc ! En dehors de moi qui, avec mon canot, m’en vais tous les quinze jours aux provisions, soit à Beg-Meil, soit à Pont-l’Abbé, il n’y a que deux barques de pêcheurs, qui s’en vont toujours bien plus haut sur la côte, jusqu’à Audierne, où ils vendent leur pêche. Alors comment Maguennoc a-t-il pu traverser ? En outre, est-ce lui-même qui s’est tué ? Mais alors pourquoi son cadavre aurait-il disparu ? »

Mais Véronique protestait.

« Je vous en supplie… cela n’a pas d’importance pour le moment. Tout s’éclaircira. Parlons de François. Alors vous disiez qu’il était arrivé à Sarek ?… »

Et Honorine cédait aux prières de la jeune femme.

« Il est arrivé dans les bras du pauvre Maguennoc, quelques jours après qu’on vous l’avait pris. Maguennoc, à qui M. d’Hergemont avait fait la leçon, raconta qu’une dame étrangère lui avait confié l’enfant, et il le fit nourrir par sa fille, qui est morte depuis. Moi, j’étais en voyage, placée depuis dix ans chez des Parisiens. Quand je revins, c’était déjà un beau petit gars qui courait les landes et les falaises. C’est alors que je pris du service chez votre père, qui s’était installé à Sarek. Quand la fille de Maguennoc mourut, on recueillit l’enfant chez nous.

— Mais sous quel nom ?

— Sous son nom de François… François tout court. M. d’Hergemont se faisait appeler M. Antoine. L’enfant l’appelait grand-père, Personne n’y trouva jamais rien à dire.

— Et comme caractère ? demanda Véronique avec une certaine anxiété.

— Oh ! de ce côté, c’est une bénédiction ! répondit Honorine. Rien du père… et rien non plus du grand-père, comme M. d’Hergemont l’avoue lui-même. Un enfant doux, aimable, obligeant. Jamais de colère… toujours de bonne humeur. C’est par là qu’il a fait la conquête de son grand-père, et c’est ainsi que M. d’Hergemont est revenu vers vous, tellement le petit-fils lui