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rai, votre père ne sera pas la deuxième victime. Non, non, j’arriverai à temps. Laissez-moi partir.

— Nous partons ensemble, dit fermement Véronique.

— Je vous en prie, supplia Honorine, ne vous obstinez pas. Laissez-moi faire. Ce soir même, avant le diner, je vous ramène votre père et votre fils…

— Mais pourquoi ?

— Il y a trop de danger, là-bas… pour votre père… pour vous surtout. Rappelez-vous les quatre croix ! C’est là-bas qu’elles seront dressées… Oh ! il ne faut pas que vous y alliez !… L’île est maudite.

— Et mon fils ?

— Vous le verrez aujourd’hui, dans quelques heures. »

Véronique eut un rire brusque :

« Dans quelques heures ! Mais c’est de la folie ! Comment ! Voilà quatorze ans que je n’ai plus de fils. J’apprends tout à coup qu’il est vivant, et vous me demandez d’attendre avant de l’embrasser ! Mais pas une heure ! J’aimerais mieux risquer mille fois la mort plutôt que de retarder ce moment-là. »

Honorine la regarda, et elle dut comprendre que la résolution de Véronique était de celles qu’il est inutile de combattre, car elle n’insista pas. Pour la troisième fois elle se signa et elle dit simplement :

« Que la volonté de Dieu soit faite. »

Toutes deux prirent place au milieu des colis qui encombraient l’étroite passerelle. Honorine alluma le moteur, saisit le volant, et, avec beaucoup d’adresse, fit évoluer la barque parmi les roches et les écueils qui pointaient à fleur d’eau.