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— Eh bien ! fit Véronique impressionnée malgré elle.

— Eh bien ! sa main a été brûlée par les flammes. Une plaie affreuse, qu’il m’a montrée, que j’ai vue, de mes yeux vue, quelque chose comme la plaie d’un cancer… et il souffrait à tel point ?

— À tel point ?

— Qu’il a dû prendre de sa main gauche une hache et qu’il s’est coupé la main droite lui-même… »

Véronique fut interdite. Elle se rappelait le cadavre du Faouët et elle balbutia :

— Sa main droite ? Vous affirmez que Maguennoc s’est coupé la main droite ?

— D’un coup de hache, il y a dix jours, l’avant-veille de mon départ… c’est moi qui l’ai soigné… Pourquoi me demandez-vous cela ?

— Parce que, dit Véronique, d’une voix altérée, parce que l’homme mort, le vieillard que j’ai trouvé dans la cabane abandonnée et qui a disparu, avait eu la main droite récemment coupée. »

Honorine sursauta. Elle eut encore cette sorte d’expression effarée et cet émoi désordonné qui contrastaient avec son attitude ordinaire de calme. Elle scanda :

« Vous êtes sûre ? Oui, oui, c’est bien cela… c’est lui… Maguennoc… Un vieux à longs cheveux blancs n’est-ce pas ? et une barbe qui va en s’élargissant ? Ah ! quelle abomination ! »

Elle se contint et regarda autour d’elle, inquiète d’avoir parlé si fort. De nouveau elle fit le signe de la croix, et prononça lentement, en elle-même presque :

« C’est le premier de ceux qui doivent mourir… il me l’avait annoncé… et le vieux Maguennoc avait des yeux qui lisaient dans le livre de l’avenir aussi bien que dans le livre du passé. Il voyait clair, là où on n’y voit pas. « La première victime ce sera moi, m’ame Honorine. Et quand le serviteur aura disparu, quelques jours après ce sera le tour de son maître… » — Et son maître, c’était ? »… fit tout bas Véronique.

Honorine se redressa et serra les poings d’un air brutal.

« Je le défendrai, celui-là, déclara-t-elle, je le sauve-