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prêt à s’expliquer, comme l’y conviait don Luis, mais le poignard en main et avec la volonté implacable de s’en servir. Doucement, les yeux fixés sur les yeux de don Luis, et sans cacher ses intentions, il avait dégagé l’arme et il se redressait.

« Prends garde, fit don Luis, ton couteau est truqué comme ton revolver. C’est du papier d’argent. »

Plaisanteries inutiles. Rien ne pouvait précipiter ou ralentir l’élan raisonné qui poussait Vorski vers le combat suprême. Il fit le tour de la table sacrée et se planta devant don Luis.

« C’est bien toi, dit-il, qui depuis quelques jours te mets en travers de tous mes plans ?

— Depuis vingt-quatre heures, pas davantage. Il y a vingt-quatre heures que je suis arrivé à Sarek.

— Et tu es résolu à aller jusqu’au bout ?

— Plus loin, si possible.

— Pourquoi ? Dans quel intérêt ?

— En amateur, et parce que tu me dégoûtes.

— Donc pas d’accord possible ?

— Non.

— Tu refuserais d’entrer dans mon jeu ?

— Tu parles !

— Tu serais de moitié.

— J’aime mieux tout.

— C’est-à-dire que la Pierre-Dieu ?…

— La Pierre-Dieu m’appartient. »

Toute autre parole était vaine. Un adversaire de ce calibre-là doit être supprimé, sinon il vous supprime Il fallait choisir entre les deux dénouements : il n’en existait pas un troisième.

Don Luis restait impassible, toujours adossé au pilier. Vorski le dominait de la tête, et en même temps Vorski avait cette impression profonde que, sous tous les rapports, comme force, comme musculature, comme poids, il lui était également supérieur. Dans ces conditions comment eût-il hésité ? Et d’ailleurs il semblait inadmissible que don Luis pût seulement essayer de se défendre ou d’esquiver le coup avant que le poignard se fût abattu. Fatalement sa mise en garde, s’il ne bougeait