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du sacrifice et recouverte jusqu’aux pieds d’une robe immaculée, la Druidesse reposait. Son buste et son visage étaient tournés de l’autre côté, et un voile ramené sur son front cachait ses cheveux. Son beau bras, presque nu, pendait le long de la table. L’index portait une bague de turquoise.

« C’est bien la bague maternelle ? dit le vieux Druide.

— Oui, sans aucun doute. »

Vorski en hâte avait traversé l’espace qui le séparait du dolmen, et, courbé, presque agenouillé, il examinait les turquoises.

« Le nombre y est… l’une d’elles est fendue… une autre disparaît à moitié sous la feuille d’or qu’on a rabattue.

— Ne prends pas tant de précautions, dit le vieillard, elle n’entend pas, et ta voix ne peut la réveiller. Relève-toi, plutôt, et passe ta main légèrement sur son front. C’est la caresse magnétique qui doit la sortir de sa torpeur. » Vorski se releva. Il hésitait cependant à toucher cette femme. Elle lui inspirait une crainte et un respect insurmontables.

« N’approchez pas, vous deux, dit le vieux Druide à Otto et à Conrad. Les yeux de Velléda, en s’ouvrant, ne doivent se poser que sur Vorski et n’être frappés par aucun autre spectacle… Eh bien, Vorski, tu as peur ?

— Je n’ai pas peur.

— Seulement, tu n’es pas dans ton assiette. C’est plus facile d’assassiner que de ressusciter, hein ? Allons, un peu de biceps ! Écarte son voile et touche son front. La Pierre-Dieu est à ta portée. Agis, et tu es maître du monde. »

Vorski agit. Debout contre l’autel du sacrifice, il dominait la druidesse. Il se pencha sur le buste immobile. La tunique blanche s’élevait et s’abaissait au rythme régulier de la respiration. D’une main indécise, il écarta le voile, puis s’inclina davantage afin que son autre main pût effleurer le front découvert.

Mais, à ce moment, son geste demeura pour ainsi dire en suspens, et il resta là sans bouger, comme un homme