Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.

debout, qui semblaient les colonnes d’un temple immense, se dressaient aux mêmes endroits et composaient les mêmes alignements que les menhirs, de l’esplanade — pierres taillées de la même façon à coups de hache ignorante et sans nul souci d’art ou de symétrie. Le sol était fait de dalles énormes et irrégulières, coupées par un système de rigoles et sur lesquelles s’étalaient, venus d’en haut et distants les uns des autres, des cercles de lumière éclatante.

Au centre, sous le jardin de Maguennoc, un échafaud de pierres sèches s’élevait, haut de quatre ou cinq mètres. Là-dessus un dolmen aux deux jambes robustes portait une table de granit en forme d’ovale allongé.

« C’est elle ? » articula Vorski d’une voix étranglée.

Sans répondre directement, le vieux Druide prononça :

« Qu’en dis-tu ? Ils avaient le chic pour construire, nos ancêtres ? Et quelle ingéniosité ! Quelles précautions contre les regards indiscrets et contre toutes les recherches profanes. Sais-tu d’où vient la lumière ? Car nous sommes dans les entrailles de l’île, et pas de fenêtres sur l’espace. La lumière vient des menhirs supérieurs, lesquels sont percés du haut en bas d’un canal qui va en s’évasant et qui dispense la clarté à pleins flots. À midi, avec le soleil, c’est féerique. Toi qui es un artiste, tu hurlerais d’admiration.

— C’est bien elle, alors ? répéta Vorski.

— En tout cas, c’est une pierre sacrée, affirma le vieux Druide, impassible, puisqu’elle dominait le lieu des sacrifices souterrain, les plus importants de tous. Mais il y en a une autre en-dessous, que protège le dolmen, et que tu ne vois pas d’ici, et c’est sur elle que l’on immolait les victimes de choix. Le sang coulait de l’échafaud et s’en allait par toutes les rigoles jusqu’aux falaises, jusqu’à la mer. »

Vorski demanda, de plus en plus agité.

« Alors, c’est celle-là ? Avançons.

— Pas besoin de bouger, dit le vieillard avec un calme horripilant, ce n’est pas encore celle-là. Il y en a une troisième, et, cette troisième, pour l’apercevoir, il te suffit de relever un peu la tête.