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« Une… deux… Tu es prêt, Conrad ? Tirons, vas-y. »

Les deux balles partirent en même temps.

Là-bas il y eut un cri de détresse.

La silhouette parut s’affaisser. Les deux hommes bondirent en avant.

« Ah ! tu y es, coquin ! tu vas voir un peu de quel bois se chauffe Vorski ! Ah ! chenapan, tu m’as assez fait courir ! ton compte est bon. »

À quelques pas, il ralentit, par crainte d’une surprise. L’inconnu ne bougeait pas, et Vorski put constater, de plus près, qu’il avait l’apparence inerte et déformée d’un homme mort, d’un cadavre. Il n’y avait donc plus qu’à sauter sur lui. C’est ce que fit Vorski, en plaisantant :

« Bonne chasse, Conrad. Ramassons le gibier. »

Mais il fut très étonné, en ramassant le gibier, de ne saisir entre les mains qu’une proie en quelque sorte impalpable, et qui se composait somme toute d’une simple tunique au-dessous de laquelle il n’y avait plus personne, le possesseur de cette tunique ayant pris la fuite à temps, après l’avoir accrochée aux épines d’un fourré. Quant au chien, il avait disparu.

« Sacrédieu de sacrédieu ! proféra Vorski, il nous a roulés, le brigand ! Mais, que diable, pourquoi ? »

Exhalant sa fureur de la manière stupide qui lui était familière, il piétinait le morceau d’étoffe, quand une pensée le heurta.

« Pourquoi ? Mais, sacrédieu, je le disais tout à l’heure… un piège… un truc pour nous éloigner de la dame pendant que des amis à lui attaquent Otto. Ah ! quel idiot je fais ! »

Il se remit en route à travers l’obscurité et, dès qu’il put discerner le Dolmen, il appela :

« Otto ! Otto !

— Halte ! Qui est-ce qui est là ? répondit Otto, d’une voix effrayée.

— C’est moi… Crédieu, ne tire pas !

— Qui est-ce qui est là ? Vous ?

— Eh ! oui, moi, imbécile.

— Mais les deux coups de feu ?

— Rien… une erreur… on te racontera… »