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L’ÉCLAT D’OBUS
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que l’on éprouve en arrivant à la fin du jour dans un pays nouveau.

— Je ne sais pas, dit-elle. Sans doute avez-vous raison… Cependant, je ne puis me défendre d’un certain malaise, et c’est si contraire à ma nature ! Est-ce que vous croyez aux pressentiments, Paul ?

— Non, et vous ?

— Eh bien, moi non plus, dit-elle en riant et en lui tendant ses lèvres.

Ils furent surpris de trouver, aux salons et aux chambres du château, un air de pièces où l’on n’a pas cessé d’habiter. Selon les ordres du comte, tout avait gardé le même arrangement qu’aux jours lointains d’Hermine d’Andeville. Les bibelots d’autrefois étaient là, aux mêmes places, et toutes les broderies, tous les carrés de dentelle, toutes les miniatures, tous les beaux fauteuils du XVIIIe siècle, toutes les tapisseries flamandes, tous les meubles collectionnés jadis par le comte pour embellir sa demeure. Ainsi, du premier coup, ils entraient dans un cadre de vie charmant et intime.

Après le dîner, ils retournèrent aux jardins et s’y promenèrent enlacés et silencieux. De la terrasse ils virent la vallée pleine de ténèbres au travers desquelles brillaient quelques lumières. Le vieux donjon élevait ses ruines robustes dans un ciel pâle, où traînait encore un peu de jour confus.

— Paul, dit Élisabeth à voix basse, avez-vous remarqué qu’en visitant le château nous avons passé près d’une porte fermée par un gros cadenas ?

— Au milieu du grand couloir, dit Paul, et tout près de votre chambre, n’est-ce pas ?