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L’ÉCLAT D’OBUS
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— Mon Dieu ! mon Dieu ! répéta le prince, qui tremblait comme une feuille.

Il accepta machinalement la cigarette que lui tendait Bernard. Mais elle lui tomba des lèvres aux premières bouffées.

— Mon Dieu !… Mon Dieu !… ne cessait-il de bredouiller.

Sa détresse redoubla lorsqu’il aperçut les douze hommes qui attendaient, le fusil sous le bras. Il eut ce regard fou du condamné qui, dans la lueur pâle de l’aube, devine la silhouette de la guillotine. On dut le porter jusqu’à la terrasse, devant un pan de mur.

— Asseyez-vous, monseigneur, lui dit Bernard.

Le malheureux eût été d’ailleurs incapable de se tenir debout. Il s’affaissa sur une pierre.

Les douze soldats prirent position en face de lui. Il courba la tête pour ne pas les voir et tout son corps était agité comme le corps d’un pantin dont on tire les ficelles.

Un moment se passa. Bernard lui demanda sur un ton de bonne amitié :

— Aimez-vous mieux de face ou de dos ?

Et comme le prince, anéanti, ne répondait pas, il s’écria :

— Eh bien, quoi, monseigneur, vous avez l’air un peu souffrant ? Voyons, il faut prendre sur soi. Vous avez tout le temps. Le lieutenant Paul Delroze ne sera pas là avant dix minutes. Il veut absolument assister… comment dirais-je ?… assister à cette petite cérémonie. Et vraiment, il vous trouvera mauvaise mine. Vous êtes vert, monseigneur.

Toujours avec beaucoup d’intérêt, et comme s’il eût cherché à le distraire, il lui dit :