Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/309

Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’ÉCLAT D’OBUS
301

Personne ne bougea.

Elle comptait à voix basse, et, de dix en dix, proclamait les secondes écoulées.

À la quarantième elle se tut, la face inquiète. Parmi les assistants, même immobilité.

Une crise de fureur la souleva.

— Mais vous êtes fous ! Vous n’avez donc pas compris ? Ou bien vous ne me croyez pas peut-être ? Oui, j’ai deviné, ils ne me croient pas ! Ils n’imaginent pas que ce soit possible, et que j’aie pu atteindre un pareil résultat ! Un miracle, n’est-ce pas ? Mais non, de la volonté, tout simplement, et de l’esprit de suite. Et puis, vos soldats n’étaient-ils pas là ? Mon Dieu oui, vos soldats eux-mêmes qui ont travaillé pour moi en posant des lignes téléphoniques entre la poste et la maison réservée au quartier général ! Mes agents n’ont eu qu’à se brancher là-dessus, et c’était chose faite : le fourneau de mine creusé sous la maison se trouvait relié avec cette cave ! Me croyez-vous, maintenant ?

Sa voix se cassait, haletante et rauque. Son inquiétude, de plus en plus précise, lui ravageait les traits. Pourquoi ces hommes ne remuaient-ils pas ? Pourquoi ne tenaient-ils aucun compte de ses ordres ? Avaient-ils pris l’inadmissible résolution de tout accepter plutôt que de lui faire grâce ?

— Voyons, quoi ? murmura-t-elle, vous me comprenez bien cependant ?… Ou alors c’est de la folie ! Voyons, réfléchissez… Vos généraux ?… L’effet que leur mort causerait ?… L’impression formidable que cette mort donnerait de notre puissance ?… Et quel désarroi !… Le recul de vos troupes !… Le