Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’ÉCLAT D’OBUS
299

Depuis des mois, je le guette, celui-là. Impossible de l’approcher. Impossible d’exécuter mon plan. Alors que faire ? Que faire, mais tout bonnement le faire venir à moi, puisque je ne pouvais aller à lui… Le faire venir et l’attirer dans un endroit choisi par moi, où j’aurais pris toutes mes dispositions. Or, il est venu. Mes dispositions sont prises. Et je n’ai plus qu’à vouloir… Je n’ai plus qu’à vouloir ! Il est ici, dans une des chambres de la petite villa qu’il habite chaque fois qu’il vient à Soissons. Il y est. Je le sais. J’attendais le signal qu’un de mes agents devait me donner. Ce signal, vous l’avez entendu. Donc, n’est-ce pas, aucun doute. Celui que je guettais travaille en ce moment avec ses généraux dans une maison que je connais et que j’ai fait miner. Il y a près de lui un commandant d’armée, un des meilleurs, et un commandant de corps d’armée, un des meilleurs aussi. Ils sont trois — je ne parle pas des comparses — et, ces trois-là, je n’ai qu’un geste à faire, comprenez-moi bien, un seul geste, cette manette à lever, pour qu’ils sautent tous les trois avec la maison qui les abrite. Dois-je le faire, ce geste ?

Dans la pièce, il y eut un claquement bref. Bernard d’Andeville armait son revolver.

— Mais il faut la tuer, la misérable, cria-t-il.

Paul se jeta devant lui en proférant :

— Tais-toi ! et ne bouge pas !

La comtesse se mit à rire de nouveau, et quelle joie méchante frémissait dans ce rire !

— Tu as raison, Paul Delroze. Tu comprends la situation, toi. Si rapidement que ce jeune écervelé m’envoie sa balle, j’aurai tou-