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L’ÉCLAT D’OBUS
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répliqua très nettement, de façon que Paul comprît bien la portée de ses paroles :

— Oui, quand elle sera morte… ce qui ne peut pas beaucoup tarder… si ce n’est déjà fait.

Il y eut un assez long silence. Une fois de plus, en face de cette femme, Paul éprouvait le même besoin de meurtre, le même besoin d’assouvir sa haine. Il fallait que cela fût. Son devoir était de tuer, et c’était un crime que de n’y pas obéir.

Élisabeth restait dans l’ombre, debout à trois pas en arrière.

Sans un mot, lentement, Paul se retourna de son côté, leva le bras, pressa le ressort de sa lanterne, et la dirigea vers la jeune femme, dont le visage demeura ainsi en pleine lumière.

Jamais Paul, en accomplissant ce geste, n’eût pensé que l’effet en dût être si violent sur la comtesse Hermine. Une femme comme elle ne pouvait se tromper, se croire le jouet d’une hallucination ou la dupe d’une ressemblance. Non. Elle admit sur-le-champ que Paul avait délivré sa femme, et qu’Élisabeth était là devant elle. Mais comment un aussi formidable événement était-il possible ? Élisabeth, que, trois jours auparavant, elle avait laissée entre les mains de Karl… Élisabeth, qui, à l’heure actuelle, devait être morte ou prisonnière dans une forteresse allemande dont plus de deux millions de soldats interdisaient l’approche… Élisabeth était là ? En moins de trois jours elle avait échappé à Karl, elle avait fui le château de Hildensheim, elle avait traversé les lignes de deux millions d’Allemands ?

La comtesse Hermine, le visage décomposé, s’assit devant cette table qui lui servait de rempart, et, rageusement, colla ses poings