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L’ÉCLAT D’OBUS
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et c’étaient ces minutes-là peut-être qui prenaient la signification la plus redoutable.

Paul s’éveilla de lui-même.

Il dit à sa femme et à Bernard :

— Vous savez, vous êtes de l’expédition. Ce sera dur, Élisabeth, très dur. Es-tu certaine de ne pas faiblir ?

— Oh ! Paul… Mais toi-même, comme tu es pâle !

— Oui, dit-il, un peu d’émotion. Non point à cause de ce qui va se passer… Mais, jusqu’au dernier moment, et malgré toutes les précautions prises, j’aurai peur que l’adversaire ne se dérobe.

— Cependant…

— Eh ! oui, une imprudence, un mauvais hasard qui donne l’éveil, et tout est à recommencer… Qu’est-ce que tu fais donc, Bernard ?

— Je prends mon revolver ?

— Inutile.

— Quoi ! fit le jeune homme, on ne va donc pas se battre dans ton expédition ?

Paul ne répondit pas. Selon son habitude il ne s’exprimait qu’en agissant ou après avoir agi. Bernard prit son revolver.

Le dernier coup de neuf heures sonnait lorsqu’ils traversèrent la Grande-Place, parmi des ténèbres que trouait çà et là un mince rayon de lumière surgi d’une boutique close.

Au parvis de la cathédrale, dont ils sentirent au-dessus d’eux l’ombre géante, un groupe de soldats se massait.

Paul, ayant lancé sur eux le feu d’une lanterne électrique, dit à celui qui les commandait :

— Rien de nouveau, sergent ?