Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
L’ÉCLAT D’OBUS

sire… un château auquel on arrive en quelques heures d’automobile, donc situé à cent cinquante, deux cents kilomètres au plus.

Taciturne, l’empereur frappait la table avec le pommeau de son sabre, à petits coups rageurs.

— C’est tout ce que vous demandez ? dit-il.

— Non, sire.

— Quoi encore ?

— La liberté de vingt prisonniers français dont la liste m’a été remise par le général commandant les armées françaises.

Cette fois l’empereur se dressa, d’un bond.

— Vous êtes fou ! Vingt prisonniers, et des officiers sans doute ? Des chefs de corps, des généraux !

— La liste comprend aussi des simples soldats, sire.

L’empereur ne l’écoutait pas. Sa fureur s’exprimait par des gestes désordonnés et par des interjections incohérentes. Il foudroyait Paul du regard. L’idée de subir la loi de ce petit lieutenant français, captif, et qui pourtant parlait en maître, devait lui sembler terriblement désagréable. Au lieu de châtier l’insolent ennemi, il fallait discuter avec lui et baisser la tête sous l’outrage de ses propositions ! Mais que faire ? Aucune issue ne s’offrait. Il avait comme adversaire un homme que la torture même n’eût pas fléchi.

Et Paul reprit :

— Sire, la liberté de ma femme contre la liberté du prince Conrad, le marché serait vraiment trop inégal. Que vous importe à vous, sire, que ma femme soit captive ou libre ? Non, il est équitable que la libération du prince Conrad