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L’ÉCLAT D’OBUS

Il s’assura donc que les abords de la villa, à droite et à gauche, étaient déserts, et qu’aucun des soldats du poste ne s’écartait du perron, puis, dès que Bernard fut de retour, il planta l’échelle dans l’allée et l’appuya au mur.

Ils montèrent.

La fenêtre entr’ouverte était bien celle du cabinet de toilette. La lumière de la chambre voisine l’éclairait. Aucun bruit ne venait de cette chambre que le bruit d’un ronflement sonore. Paul avança la tête.

En travers de son lit, vêtu de son uniforme dont le plastron était souillé de taches, affalé comme un mannequin, le prince Conrad dormait. Il dormait si profondément que Paul ne se gêna pas pour examiner la chambre. Une petite pièce en guise de vestibule la séparait du couloir, ce qui dressait entre la chambre et le couloir deux portes dont il poussa les verrous et ferma les serrures à double tour. Ainsi ils se trouvaient seuls avec le prince Conrad, sans qu’on pût rien entendre de l’intérieur.

— Allons-y, dit Paul, lorsqu’ils se furent distribué la besogne.

Et il appliqua sur le visage du prince une serviette roulée dont il essayait de lui entrer les extrémités dans la bouche, pendant que Bernard, à l’aide d’autres serviettes, entortillait les jambes et les poignets. Cela s’exécuta silencieusement. De la part du prince aucune résistance, aucun cri. Il avait ouvert les yeux et regardait ses agresseurs avec l’air d’un homme qui ne comprend d’abord rien à ce qui lui arrive, mais qu’une peur de plus en plus forte envahit au fur et à mesure qu’il a conscience du danger.