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L’ÉCLAT D’OBUS

depuis aujourd’hui. C’est ce matin que Karl, venant de Belgique, a passé par la ville où j’habite et m’a emmenée chez le prince Conrad. Il s’agissait de servir comme femme de chambre une dame française que nous devions conduire dans un château. J’ai compris ce que cela voulait dire. Là encore, il me fallait être complice, inspirer confiance… Et puis j’ai vu cette dame française… je l’ai vue pleurer… et elle est si douce, si bonne, qu’elle m’a retourné le cœur. J’ai promis de la secourir… Seulement je ne pensais pas que ce serait de cette façon, en tuant Karl…

Elle se releva brusquement et prononça d’un ton âpre :

— Mais il le fallait, monsieur. Cela ne pouvait pas être autrement, car j’en savais trop sur son compte. Lui ou moi… C’est lui… tant mieux, et je ne regrette rien… Il n’y avait pas au monde un pareil misérable, et, avec des gens de son espèce, il ne faut pas hésiter. Non, je ne regrette rien.

Paul lui dit :

— Il était dévoué à la comtesse Hermine, n’est-ce pas ?

Elle frissonna et baissa la voix pour répondre.

— Ah ! ne parlons pas d’elle, je vous en supplie. Celle-là est plus terrible encore, et elle vit toujours, elle ! Ah ! si jamais elle me soupçonne !

— Qui est cette femme ?

— Est-ce qu’on sait ? Elle va et vient, elle est maîtresse partout où elle se trouve… On lui obéit ainsi qu’à l’empereur. Tout le monde la redoute. C’est comme son frère…

— Son frère ?