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L’ÉCLAT D’OBUS

Il se tut. L’espion, qui n’avait faibli que pour tirer un poignard de sa ceinture, levait l’arme sur lui.

— Ah ! Paul Delroze… Tonnerre de Dieu, l’expédition sera fructueuse… Les deux l’un après l’autre… le mari… la femme… Ah ! tu es venu te fourrer entre mes griffes… Tiens ! attrape, mon garçon…

Paul vit au-dessus de son visage l’éclair d’une lame qui brillait : il ferma les yeux en prononçant le nom d’Élisabeth…

Une seconde encore, et puis, coup sur coup, il y eut trois détonations. En arrière du groupe formé par les deux adversaires, quelqu’un tirait.

L’espion poussa un juron abominable. Son étreinte se desserra. L’arme tomba, et il s’abattit à plat ventre en gémissant :

— Ah ! la sacrée femme… la sacrée femme… J’aurais dû l’étrangler dans l’auto… je me doutais bien que ça arriverait…

Plus bas il bégaya :

— J’y suis en plein ! Ah ! la sacrée femme, ce que je souffre !…

Il se tut. Quelques convulsions. Un hoquet d’agonie, et ce fut tout.

D’un bond, Paul s’était dressé. Il courut vers celle qui l’avait sauvé, et qui tenait encore à la main son revolver.

— Élisabeth ! dit-il, éperdu de joie.

Mais il s’arrêta, les bras tendus. Dans l’ombre, la silhouette de cette femme ne lui semblait pas être celle d’Élisabeth, mais une silhouette plus haute et plus forte.

Il balbutia avec une angoisse infinie :

— Élisabeth… Est-ce toi ?… Est-ce bien toi ?…