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L’ÉCLAT D’OBUS
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mand, quoiqu’ils le demandent dans leurs cris, comme des corbeaux avides… »

— Ils ne l’auront pas, repartit le prince exaspéré, mais tu en boiras, toi, la petite !

On avait rempli une autre coupe. De nouveau, il voulut contraindre Élisabeth à la porter à ses lèvres, et, comme elle le repoussait, il lui parla tout bas, à l’oreille, tandis que le liquide éclaboussait la robe de la jeune femme.

Tout le monde s’était tu, dans l’attente de ce qui allait se passer, Élisabeth, plus pâle encore, ne bougeait pas. Penché sur elle, le prince montrait un visage de brute qui, tour à tour, menace, et supplie, et ordonne, et outrage. Vision écœurante ! Paul aurait donné sa vie pour qu’Élisabeth, dans un sursaut de révolte, poignardât l’insulteur. Mais elle renversa la tête, ferma les yeux, et, défaillante, acceptant le calice, elle but quelques gorgées.

Le prince jeta un cri de triomphe en brandissant la coupe, puis, goulûment, il y porta ses lèvres au même endroit et la vida d’un trait.

— Hoch ! Hoch ! proféra-t-il. Debout, les camarades ! Debout sur vos chaises et un pied sur la table ! Debout, les vainqueurs du monde ! Chantons la force allemande ! Chantons la galanterie allemande ! « Ils ne l’auront pas le libre Rhin allemand, aussi longtemps que de hardis jeunes gens feront la cour aux jeunes filles élancées. » Élisabeth, j’ai bu le vin du Rhin dans ton verre. Élisabeth, je connais ta pensée. Pensée d’amour, mes camarades ! Je suis le maître ! Oh ! Parisienne… Petite femme de Paris… C’est Paris qu’il nous faut… Oh ! Paris ! Oh ! Paris…

Il titubait. La coupe s’échappa de ses mains