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L’ÉCLAT D’OBUS
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— La misérable ! la misérable ! balbutia-t-il.

Elle souriait. Oui, il vit sur les lèvres de la jeune femme un sourire provoqué par des mots que le prince Conrad lui dit en s’inclinant vers elle.

Et le prince eut un accès de gaîté si bruyant que la comtesse Hermine, qui continuait à parler, le rappela au silence d’un coup d’éventail sur la main.

Toute la scène était effrayante pour Paul, et une telle souffrance le brûlait qu’il n’eut plus qu’une idée : s’en aller, ne plus voir, abandonner la lutte, et chasser de sa vie, comme de son souvenir, l’épouse abominable.

— C’est bien la fille de la comtesse Hermine, pensait-il avec désespoir.

Il allait partir, lorsqu’un petit fait le retint. Élisabeth portait à ses yeux un mouchoir chiffonné dans le creux de sa main, et furtivement essuyait une larme prête à couler.

En même temps il s’aperçut qu’elle était affreusement pâle, non point d’une pâleur factice, qu’il avait attribuée jusqu’ici à la crudité de la lumière, mais de la pâleur même de la mort. Il semblait que tout le sang s’était retiré de son pauvre visage. Et quel triste sourire, au fond, que celui qui tordait ses lèvres en réponse aux plaisanteries du prince !

— Mais alors, que fait-elle ici ? se demanda Paul. N’ai-je pas le droit de la croire coupable, et de croire que c’est le remords qui lui arrache des larmes ? Le désir de vivre, la peur, les menaces, l’ont rendue lâche, et aujourd’hui elle pleure. »

Il continuait de l’injurier, mais une grande pitié l’envahissait peu à peu pour celle qui