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L’ÉCLAT D’OBUS

Il y avait là une demi-douzaine de soldats, tous couchés, et pour mieux dire vautrés les uns sur les autres, parmi les bouteilles vides, les assiettes sales, les papiers gras et les détritus de charcuterie.

C’étaient les gardiens du tunnel. Ils étaient ivres-morts.

— Toujours la « kultur », dit Bernard.

— Nous avons de la chance, répliqua Paul, et je m’explique maintenant le manque de surveillance : c’est dimanche aujourd’hui.

Une table portait un appareil de télégraphie. Un téléphone s’accrochait au mur, et Paul remarqua, sous une plaque de verre épaisse, un tableau qui contenait cinq manettes de cuivre, lesquelles correspondaient évidemment par des fils électriques avec les cinq fourneaux de mine préparés dans le tunnel.

En s’éloignant, Bernard et Paul continuèrent de suivre les rails au creux d’un étroit défilé taillé dans le roc, qui les conduisit à un espace découvert où brillaient une multitude de lumières. Tout un village s’étendait devant eux, composé de casernes et habité par des soldats dont ils voyaient les allées et venues. Ils le contournèrent. Un bruit d’automobile et les clartés violentes de deux phares les attiraient, et ils aperçurent, après avoir franchi une palissade et traversé des fourrés d’arbustes, une grande villa tout illuminée.

L’automobile s’arrêta devant un perron où se trouvaient des laquais et un poste de soldats. Deux officiers et une dame vêtue de fourrures en descendirent. Au retour, la lueur des phares éclaira un vaste jardin clos par des murailles très hautes.