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L’ÉCLAT D’OBUS

L’idée de creuser pendant vingt ans un tunnel destiné au bombardement possible d’une petite place forte ne viendrait jamais à un Français. Il faut pour cela un degré de civilisation auquel nous ne pouvons prétendre. Ah ! les bougres !

Son enthousiasme s’accrut encore lorsqu’il eut remarqué que le tunnel était muni à sa partie supérieure de cheminées d’aération. Mais à la fin Paul lui recommanda de se taire ou de parler à voix basse.

— Tu penses bien que, s’ils ont jugé utile de conserver leurs lignes de communication, ils ont dû faire en sorte que cette ligne ne pût servir aux Français, Ébrecourt n’est pas loin. Peut-être y a-t-il des postes d’écoute, des sentinelles placées aux bons endroits. Ces gens-là ne laissent rien au hasard.

Ce qui donnait du poids à l’observation de Paul, c’était la présence, entre les rails, de ces plaques de fonte qui recouvrent les fourneaux de mine préparés d’avance et qu’une étincelle électrique peut faire exploser. La première portait le numéro 5, la seconde le numéro 4, et ainsi de suite. Ils les évitaient soigneusement, et leur marche en était ralentie, car ils n’osaient plus allumer leurs lanternes que par brèves saccades.

Vers 7 heures, ils entendirent, ou plutôt il leur sembla entendre, les rumeurs confuses que propagent à la surface du sol la vie et le mouvement. Ils en éprouvèrent une grande émotion. La terre allemande s’étendait au-dessus d’eux, et l’écho leur apportait des bruits provoqués par la vie allemande.

— C’est tout de même curieux, observa Paul, que ce tunnel ne soit pas mieux surveillé et