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L’ÉCLAT D’OBUS
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son fusil, sa baïonnette, ses cartouches, et qui, ainsi transformé, descendait les trois marches de bois.

Vision terrible ! Paul aurait voulu douter et croire à l’apparition de quelque fantôme surgi de sa fièvre et de son délire. Mais tout lui attestait la réalité du spectacle. Et c’était pour lui la plus infernale des souffrances. Le major s’enfuyait !

Paul était trop faible pour envisager la situation telle qu’elle se présentait. Le major songeait-il à le tuer et à tuer M. d’Andeville ? Le major savait-il qu’ils étaient là, tous deux blessés, à portée de sa main ? Autant de questions que Paul ne se posait pas. Une seule idée obsédait son cerveau défaillant : le major Hermann s’enfuyait. Grâce à son uniforme il se mêlerait aux volontaires ! À la faveur de quelque signal, il rejoindrait les Allemands ! Et il serait libre ! Et il reprendrait contre Élisabeth son œuvre de persécution, son œuvre de mort !

Ah ! si l’explosion avait pu se produire ! Que la maison du passeur sautât, et le major était perdu…

Dans son inconscience, Paul se rattachait encore à cet espoir. Cependant sa raison vacillait. Ses pensées devenaient de plus en plus confuses. Rapidement, il s’enfonça parmi les ténèbres où l’on ne peut plus voir, où l’on ne peut plus entendre…


Trois semaines plus tard, le général commandant en chef les armées descendait d’automobile devant le perron d’un vieux château du Boulonnais, transformé en hôpital militaire.