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L’ÉCLAT D’OBUS
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nous étions venus, et qui conduisait à la frontière. Le domestique s’était jeté dans le bois et les précédait.

« — L’aventure est vraiment bizarre, dit mon père en riant. Pourquoi diable Guillaume II se risque-t-il par là ? Et en plein jour ! Est-ce que la chapelle présenterait quelque intérêt artistique ? Allons-y, veux-tu, Paul ?

« Nous entrâmes. Un peu de jour seulement passait par un vitrail noir de poussière et de toiles d’araignées. Mais ce peu de jour suffit à nous montrer des piliers trapus, des murailles nues, rien qui semblât mériter l’honneur d’une visite impériale, selon l’expression de mon père, lequel ajouta :

« — Il est évident que Guillaume II est venu voir cela en touriste, à l’aventure, et qu’il est fort ennuyé d’avoir été surpris dans cette escapade. Peut-être la dame qui l’accompagne lui avait-elle assuré qu’il ne courait aucun risque. De là son irritation contre elle et ses reproches.

« Il est curieux, n’est-ce pas, Élisabeth, que tous ces menus faits, qui n’avaient en réalité qu’une importance relative pour un enfant de mon âge, je les aie enregistrés fidèlement, alors que tant d’autres, plus essentiels, ne se sont pas gravés en moi. Cependant je vous raconte ce qui fut, comme si je le voyais devant mes yeux et comme si les mots résonnaient à mon oreille. Et j’aperçois encore, à l’instant où je parle, aussi nettement que je l’aperçus à l’instant où nous sortions de la chapelle, la compagne de l’empereur qui revient et traverse la clairière d’un pas hâtif, et je l’entends dire à mon père :