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L’ÉCLAT D’OBUS

— Tant pis pour eux, Karl, tant pis pour tous ceux qui essaient de nous barrer la route. J’ai supprimé le père, et j’ai bien fait. Un jour ce sera le tour du fils… Maintenant… maintenant, il s’agit de la petite.

— Voulez-vous que je m’en charge, Excellence ?

— Non, j’ai besoin de toi ici, et j’ai besoin d’y rester moi-même. Les affaires vont très mal. Mais au début de janvier, j’irai là-bas. Le dix au matin, je serai à Ébrecourt. Quarante-huit heures après, il faut que ce soit fini. Et ce sera fini, je te le jure.

De nouveau il se tut, tandis que l’espion éclatait de rire. Paul s’était baissé pour se mettre à la hauteur de son revolver. Une hésitation plus longue eût été coupable. Tuer le major, ce n’était plus se venger et tuer l’assassin de son père, c’était prévenir un crime nouveau et sauver Élisabeth. Il fallait agir, quelles que pussent être les conséquences de l’acte. Il s’y décida.

— Tu es prêt ? dit-il très bas à Bernard.

— Oui. J’attends ton signal.

Il visa froidement, guettant la seconde propice, et il allait presser la détente, lorsque Karl prononça en allemand :

— Dites donc, Excellence, vous savez ce qui se prépare pour la maison du passeur ?

— Quoi ?

— Tout bonnement une attaque. Cent volontaires des compagnies d’Afrique sont déjà en route par les marais. L’assaut aura lieu dès l’aube. Vous n’avez que le temps d’avertir le quartier général et de vous assurer des précautions qu’ils comptent prendre.