Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
L’ÉCLAT D’OBUS

dat anglais aux côtés duquel il avançait un jour sous la mitraille, et qui, du reste, ne comprenait pas un seul mot de français, vois-tu, Tommy, personne plus que moi n’admire les Belges, mais ils ne m’épatent pas, et cela pour la bonne raison qu’ils se battent à notre manière, c’est-à-dire comme des lions. Ceux qui m’épatent, c’est vous, les gars d’Albion. Ça, c’est autre chose… Vous avez votre façon de faire la besogne… et quelle besogne ! Pas d’excitation, pas de fureur. Ça se passe au fond de vous. Ah ! par exemple, de la rage quand vous reculez, et alors vous devenez terribles. Vous ne gagnez jamais tant de terrain que quand vous avez lâché pied. Résultat : purée de Boches.

C’est le soir de ce jour, comme la troisième compagnie tiraillait aux environs de Dixmude, qu’il se produisit un incident dont la nature parut fort bizarre aux deux beaux-frères. Paul sentit brusquement au-dessus des reins, sur le côté droit, un choc très vif. Il n’eut pas le temps de s’en inquiéter. Mais, revenu dans la tranchée, il constata qu’une balle avait troué le cuir de son étui à revolver et s’était aplatie sur le canon de l’arme. Or, étant donné la position que Paul occupait, il avait fallu que cette balle fût tirée derrière lui, c’est-à-dire par un soldat de sa compagnie ou d’une compagnie de son régiment. Était-ce un hasard ? Une maladresse ?

Le surlendemain, ce fut au tour de Bernard. La chance le protégea également. Une balle traversa son sac et lui effleura l’omoplate.

Et, quatre jours après, Paul eut son képi percé, et, cette fois encore, le projectile venait des lignes françaises.