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L’ÉCLAT D’OBUS

ques phrases écrites au hasard, en travers du papier, visiblement à tâtons. De ces phrases haletantes comme des hoquets d’agonie…

« … Le tocsin… Le vent l’apporte de Corvigny… Qu’est-ce que cela veut dire ?… Les troupes françaises ?… Paul, Paul, tu es peut-être avec elles !…

« … Deux soldats sont entrés en riant :

« — Capout, la dame !… Capout, tous les trois… Major Hermann a dit capout…

« … Seule encore… Nous allons mourir… Mais Rosalie voudrait me parler… Elle n’ose pas… »


Cinq heures.

« … Le canon français… Des obus éclatent autour du château… Ah ! si l’un d’eux pouvait m’atteindre !… J’entends la voix de Rosalie… Qu’a-t-elle à me dire ? Quel secret a-t-elle surpris ?…

« … Ah ! l’horreur ! Ah ! l’ignoble vérité ! Rosalie a parlé. Mon Dieu, je vous en prie, donnez-moi le temps d’écrire… Paul, jamais tu ne pourras supposer… Il faut que tu saches, avant que je meure… Paul… »

Le reste de la page avait été arraché, et les pages suivantes jusqu’à la fin du mois étaient blanches. Élisabeth avait-elle eu le temps et la force de transcrire les révélations de Rosalie ?

C’était là une question que Paul ne se posa même pas. Que lui importaient ces révélations et les ténèbres qui enveloppaient de nouveau et pour toujours une vérité qu’il ne pouvait plus découvrir ? Que lui importait la vengeance, et le prince Conrad, et le major Hermann, et tous ces sauvages qui martyrisaient et qui tuaient les femmes ? Élisabeth était morte. Il venait