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L’ÉCLAT D’OBUS
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avant de fuir, et c’est en rêve que j’ai vu ce fantôme de femme !… Un fantôme ?… Mais oui, il n’y a que des fantômes qui franchissent les portes fermées au verrou, et son pas faisait si peu de bruit en glissant sur le parquet que je n’entendais guère que l’imperceptible froissement de sa jupe.

« Que venait-elle faire ? À la lueur de ma veilleuse, je la voyais qui contournait la table et qui avançait vers mon lit, avec précaution, la tête perdue dans les ténèbres. J’eus tellement peur que je refermai les yeux afin qu’elle me crût endormie. Mais la sensation même de sa présence et de son approche grandissait en moi, et je suivais de la façon la plus nette tout ce qu’elle faisait. S’étant penchée sur moi, elle me regarda longtemps, comme si elle ne me connaissait pas et qu’elle eût voulu étudier mon visage. Comment, alors, n’entendit-elle point les battements désordonnés de mon cœur ? Moi, j’entendais le sien et aussi le mouvement régulier de sa respiration. Comme je souffrais ? Qui était cette femme ? Quel était son but ?

« Elle cessa son examen et s’écarta. Pas bien loin. À travers mes paupières, je la devinais courbée près de moi et occupée à quelque besogne silencieuse, et, à la longue, je devins tellement certaine qu’elle ne m’observait plus que je cédai peu à peu à la tentation d’ouvrir les yeux. Je voulais voir, ne fût-ce qu’une seconde, voir sa figure, voir son geste…

« Et je regardai.

« Mon Dieu, par quel miracle ai-je eu la force de retenir le cri qui jaillit de tout mon être ?

« La femme qui était là et dont je distinguais