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pour parvenir à la serrure, suffit à l’inonder de sueur, car il s’avisait tout à coup que c’était là un premier indice.

La porte ne s’ouvrit pas. Il s’acharna. Elle résistait.

Ses genoux se brisèrent. Il dut s’appuyer, défaillance qu’il dissimula en feignant d’ébranler le battant. D’ailleurs un dédoublement absolu se produisait en lui. Un être extérieur agissait, en présence de témoins. L’autre s’abandonnait à une folie d’épouvante.

Sa voix elle-même n’était pas altérée malgré le serrement de sa gorge. Et il continuait à haute voix :

— C’est drôle, mon père serait-il absent ? Est-ce que la maison ?…

Alors il leva la tête, mais il ne vit pas d’abord, il ne put voir à travers le brouillard qui l’aveuglait. Et quand il vit, l’être intérieur s’écroula, tandis que l’autre jouait l’inquiétude.

— Les volets posés ! Ah ! ça, qu’est-ce que cela signifie ?

La situation exigeait l’emploi de la sonnette. Plus que tout ce bruit terrifia Marc, tellement il fut sinistre. Cela sonnait à la mort. Jadis la clochette ne tintait pas ainsi.

Et le vieux ne sortait pas de là-bas, de la maison aux volets fermés comme des paupières de cadavre.

— Serait-il en voyage ?

Mais sur la route, un pas se précipita. Marc reconnut la voisine, Mélanie. Comme un éclair, passa la vision d’une grande fabrique où on l’avait conduit en son enfance. Les parquets, les murs, remuaient sous l’énorme halètement de la machine. Tout autant les parois de sa poitrine vibrèrent comme des lames flexibles sous les coups formidables de son cœur. Il chancela.