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ainsi qu’un bouchon de paille jeté à l’eau. Indispensable jusqu’ici et soutenu par des distractions habiles, le doute devenait une stupidité, le programme ne l’admettait plus.

Ce programme, arme de salut, Hélienne le brandissait pour en imposer à sa peur. Il y était stipulé que le retour s’effectuerait aussitôt après le voyage d’Algérie. Prescription logique, car en supposant le crime consommé, n’en point profiter le rendait inutile.

L’épuisement de sa bourse le tira de ses hésitations. Il s’embarqua pour Marseille.

En vue de cette ville, cherchant un mot de défi, il s’écria :

— Le sort en est jeté.

Il sauta dans le train de Paris. Mais à Lyon il en descendit brusquement et s’enfuit loin de la gare.

— Ma lâcheté est inconcevable, tuer ne m’a pas effrayé, en acquérir la conviction m’épouvante. Je n’ai pas eu du remords pour avoir commis l’acte, je crains d’en avoir s’il a réussi. Allons, il faut que j’emploie quelque stratagème vis-à-vis de moi.

Le lendemain il arrivait au Havre. Il s’était dit :

— Qui m’empêche de gagner le Havre ? Là je réfléchirai. Peut-être obtiendrai-je quelque indice qui m’épargnera toute autre demande.

Il n’obtint rien et déambula par les rues comme un misérable.

Un soir, au café-concert, il lia conversation avec une fille dont la physionomie lui agréait. Elle débita des choses ineptes. Mais leurs chairs sympathisaient et il regrettait amèrement que ses poches fussent vides.