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« Ici l’art est partout, écrivait-il à son père. Qu’il soit phénicien, hellène, romain, arabe ou normand, il règne en despote. Ce voyage décide de mon avenir. J’ai reçu le baptême. Initié maintenant, je me consacrerai dès mon retour à l’art. Je veux produire des œuvres, mais des œuvres nobles et inutiles, c’est-à-dire artistiques. »

— Si le vieux lit cette lettre, se dit-il, il n’y comprendra rien.

D’ailleurs, l’ayant relue, il n’y comprit rien non plus.

L’Afrique lui réservait des surprises différentes. Il y fit d’abord une extrême chaleur. Les êtres, comme les choses ne bougeaient pas, paquets de vêtements sous lesquels on devinait le rêve épais d’une brute. Marc pensa :

— Voilà le rêve. Que sommes-nous ? De la matière. Eh bien, soignons-la, restreignons nos désirs et rêvons au soleil en nous accoutumant à la nécessité de mourir.

Une lettre à son père, datée de Tunis, prônait cet idéal. La suivante y dérogeait.

« L’Algérie est une terre vierge. Je la parcours et je constate qu’il y a vraiment de quoi faire. Cette ambition est haute, défricher ce sol généreux, peupler ces solitudes. Un cheval et une bonne compagne (il songeait à Aniella) et ce serait le bonheur. J’y réfléchirai beaucoup. »

Cette troisième missive partie, il s’aperçut qu’elle différait totalement de la seconde et que toutes deux contredisaient la première. Il s’en affecta.

— Je manque d’unité. Cela provient de ce que ma vie n’est pas établie. J’ai de très jolies aptitudes, mais comment connaître les plus fortes, tant que je ne