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image lumineuse, le souvenir de choses exquises, nos caresses, nos voluptés, le premier frisson de nos cœurs et tout cela dans le décor magique de cette île, parmi les horizons bleus et le parfum des arbres. L’époque où je tuais mon père sera l’époque où je commettais une bonne action, où le parricide refusait de flétrir la vierge, apprenait la bonté et soumettait son plaisir à la règle sainte du devoir. Qui sait si jamais se retrouvera pareille béatitude ! Petite âme d’idéal, sois bénie pour le bonheur que tu m’as donné et pour le bien que je t’ai fait.

Il la baisa au front.

Du bateau, aussi longtemps qu’il le put, il regarda s’évanouir, au seuil du paradis qu’il abandonnait, la fine silhouette de son amour…


IX


Marc Hélienne s’arrêtait à Sorrente. Il y descendit avec appréhension, car il savait qu’une grande tristesse l’y attendait, comme nous guette un malfaiteur, au coin d’une rue. Et, en effet, dès qu’il eut posé le pied sur le sol, elle l’assaillit et ne le lâcha plus.

La pluie tombait. Les hôtels étaient pleins. Par les rues boueuses il dût demander l’aumône d’une chambre. Ayant trouvé une mansarde il s’en échappa pour user sa mélancolie au bruit d’une table d’hôte. Malheureusement personne n’y dit un mot. Il se coucha désespéré.

Sa prudence l’exhorta, le lendemain, à s’éloigner davantage de Capri. Il résolut de traverser les montagnes qui séparent la côte du golfe de Salerne.

L’étape est fastidieuse. Sa peine l’ac-