Page:Leblanc - L'œuvre de mort, paru dans le Supplément du 23 mars au 24 juin 1897.pdf/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant d’épreuves concluantes que c’était folie de la braver. Il annonça son départ.

Aniella pâlit. Il ne le remarqua pas et la renvoya afin de préparer ses malles plus rapidement. Il dîna seul, servi par la mère. Le repas fini, il pria cette femme de lui envoyer Aniella ; mais on ne put la trouver, ce qui le désola, car il escomptait l’émotion de cette dernière soirée. Il sortit à sa recherche et rentra se coucher, d’humeur sombre.

Il commençait à dormir quand un grincement le tira de sa torpeur. On ouvrait la porte, croyait-il. Il alluma sa bougie et il vit en effet Aniella. Elle avait une chemise, un jupon et les pieds nus. Sans qu’il eût eu le temps de la repousser par un mot ou par un geste, elle se glissa près de lui.

Une lutte silencieuse s’engagea. De toute son énergie Marc se raidissait contre la caresse envahissante.

La tempête de passion se déchaînait sur lui et l’enveloppait. La bouche furieuse lui versait à flots l’orage du désir, et des pieds à la tête il sentit comme un vêtement de chair brûlante s’appliquer à sa chair et en aspirer la vie. Il céda.

Plus fort que tout, l’instinct vainqueur hurla son cri d’alarme. Avec une rage brutale, Marc sauta du lit.

Elle courut à sa suite, elle embrassait étroitement ses mains et ses bras. Parlant enfin, elle arracha de sa gorge étranglée des mots incompréhensibles.

Cette acuité de désespoir le stupéfia. « C’est de l’hystérie, » se disait-il. Les cordes de son orgueil et de sa pitié résonnèrent. Il la prit sur ses genoux.