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portait trop d’incertitude. Ne fallait-il pas cependant supprimer même l’idée qu’elle fût possible à courir ?

Mais il se sentait l’esclave d’un mobile autrement puissant que ces vaines considérations. En réalité, il le savait, son indécision n’existait plus depuis longtemps. Accompli ou non, son forfait appartenait à un passé irrévocablement clos, que pour rien au monde il n’eût rouvert. Seul importait l’avenir, et le présent ne devait être que la préparation rigoureuse de cet avenir joyeux et libre. Les moyens employés, il les jugerait plus tard. Et aussi jugerait-il la raison de ces moyens et toutes les causes obscures qui lui ordonnaient de persister auprès d’Aniella selon la règle établie jusqu’ici.

Son plan de vie actuelle se développa donc sans modifications. Nulle pensée étrangère ne l’atteignit plus dans l’enceinte d’émotions exagérées où il se retrancha. Le chiffre même du jour nouveau ne sonnait plus en sa tête ni ne s’inscrivait au mur. Sans pitié, il sacrifia l’enfant.

Il ne se donnait même pas la peine de regarder dans ce cerveau. Qu’éprouvait-elle ? Quelle impression lui procurait cette aventure ? Y apportait-elle une ingénuité parfaite ou l’espoir mieux renseigné de plaisirs plus sérieux ? Elle ne fut entre ses mains qu’un objet de joie, un instrument apte à stimuler le désir, et comme la suite de ces expériences affinait sa virtuosité, il en jouait à merveille.

Il tira d’elle tout ce qu’elle pouvait contenir de séductions énervantes et dépravantes. Par poses et par gestes commandés, elle l’enchanta. Jamais néanmoins il ne se risquait à de trop