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quet épanoui de ses épaules. L’envie fut trop forte. D’un geste sec il abaissa l’étoffe.

Il eut un instant l’espoir que son admiration l’arrêterait, tellement la splendeur de l’apothéose dépassait son rêve. Il essaya de diviser l’image en perfections détaillées. Mais à ses doigts l’impression de la peau frôlée persistait. Et cette brûlure l’égara.

Renversée au fond d’un fauteuil, Aniella subissait passivement, ignorante encore et froissée, la fougue brutale de Marc. Il ne savait pas où mordre, où apaiser sa faim. Au visage, à la gorge, aux bras, il jetait des caresses brusques, comme s’il eût cherché à ce que ces caresses innombrables n’en formassent qu’une, immense et absolue, dont il eût tiré, au lieu de plaisirs multiples, une volupté unique et formidable.

Et ainsi le besoin de la possession s’imposa. Marc voulut agir.

Aniella le sauva. Effarouchée par la grossièreté de l’attaque, elle crut plutôt qu’il tentait de lui faire du mal. Se dégageant, elle s’enfuit.

Il resta stupide. Rien ne l’effrayait comme ces crises où la volonté s’échappe. Sait-on jamais ce qui peut s’accomplir durant les minutes d’inconscience, quelles fautes, quels crimes, quelles bêtises ?

Pourtant, il ne douta pas une seconde qu’en dernier ressort son instinct ne l’eût retenu. Il lui accordait une confiance aveugle, se l’imaginant infaillible comme la boussole du marin, comme l’étoile du berger. Puisque la conduite de son bonheur exigeait qu’Aniella fût respectée momentanément, il lui était impossible d’enfreindre cette loi.