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Au loin tressaillit un bruit de mandoline. Une voix s’éleva. Une autre lui répondit. Les deux chants se marièrent en une mélopée traînante et chaude. Un parfum de myrthe passa. Quelle poésie !

Il se vit cheminer à pas lents, son bras autour d’une taille, ses mains enlacées à la sienne, une tête sur son épaule. Les arbres sont noirs, nulle rencontre n’est à craindre. On s’asseoit. La mer, complice, chuchote. L’étreinte se noue.

Un afflux de sang étourdit Marc. Ses poings se crispèrent. Ah ! cette femme, quelle qu’elle fût, il l’eût brisée de toute son ardeur !

Par les ruelles, il déambula longtemps, le corps en folie, comme à la recherche d’une aventure où satisfaire ses sens. Il rentra exténué.

Le lendemain, sitôt levé, Marc appelait Aniella. Elle attendait sans doute, car elle parut avec sa robe de soie verte et ses ornements mauves. Il lui enjoignit de remettre ses habits de la veille, ce qui la fâcha. Elle revint, la figure sombre et la bouche tellement maussade, qu’après un essai de travail il en dut faire l’observation. Elle ne comprenait pas, alors il alla vers elle et, du bout de son doigt, lui toucha les lèvres.

Elles étaient molles et humides, son doigt fut mouillé de ce contact. Elle sourit. Mais il la regardait d’un air drôle qui la rendit confuse.

Silencieusement la séance recommença. Hélienne copia les joues brunes, le menton délicat, le cou hâlé. Avant d’indiquer chacun des traits, il étudiait avec attention la jeune fille. Elle n’était plus gênée et, l’ennui la fatiguant, tournait la tête, s’agitait, suivait le vol d’une mouche ou le sillage d’une barque. Sans