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regard dans les profondeurs transparentes. Comme il enviait la torpeur des gros rocs moussus et le frisson d’aise des longues herbes marines !

Derrière Ischia, le soleil se couchait, invisible. Au ciel pâli, des images roses traînèrent. Marc défaillit d’admiration. Quelle révolte subsisterait devant l’immensité de l’espace ! Tout est faux. Le monde s’évanouit. Il n’y a rien que la mer et le ciel, unis en la voluptueuse étreinte de l’horizon.

Une brise lui frôla le visage. Elle ne soufflait pas et les arbres ni les feuilles ne bougeaient. Mais elle se mêlait à l’air et le saturait de bien-être.

— Oh ! l’haleine de la mer, murmura Marc.

Il lui tendit ses lèvres ouvertes, et nul baiser de femme ne lui eût donné la même ivresse. Il la but à pleine gorge. Et c’était de la vie qu’il buvait, de la vie saine qui coulait dans son cœur, en son âme, une vie nouvelle faite de quiétude et d’infini. Plusieurs jours encore, il poursuivit ses excursions à travers l’île. Au Tiberio, au Castiglione, au Monte Solaro, il retrouva des extases analogues. Sa marche était lente et régulière, son pas assuré, ses muscles solides. La nuit une bonne fatigue l’endormait. Des rêves ne le visitaient point.

Et il ne pensait pas. Existence ingénieuse, bien apte à favoriser le traitement de son esprit malade. L’éclat des couleurs, la netteté des lumières, le bruissement des vagues, le parfum des fleurs, la poésies des soirs, le flattaient si délicieusement que ses sens vibraient d’une émotion ininterrompue. Ses idées provenaient de ses sensations, jamais de ses souvenirs.