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combiné ! Les moindres détails, je les ai prévus. Heureusement que je m’en aperçois à temps.

M. Hélienne demanda :

— Ah ! tu pars ?

— Oui, répondit Marc, et si cela ne te dérangeait pas…

Le vieux l’interrompit en ricanant :

— De l’argent, n’est-ce pas ? Allons, je serai bon prince. Ouvre ce tiroir, il y a un billet de cinq cents francs. Et puis, bonne chance, comme je te souhaitais voilà tantôt dix années.

Le billet entre les mains, Marc s’arrêta devant le lit, et il se répétait :

— On ne tue pas son père, on ne tue pas son père, je ne veux pas.

Il aurait pu reprendre le paquet maudit qu’il n’eût pas hésité. Mais comment le reconnaître ? Quel prétexte donnerait-il au vieux s’il fouillait parmi les médicaments ? À moins qu’il ne les jetât tous au feu, en bloc, sans explications…

La sueur lui perlait aux tempes. Une foule de plans bourdonnaient en sa tête, imprudents, impraticables. Et, peu à peu, la conviction mystérieuse l’assaillit qu’il était le prisonnier de son projet. Il l’avait ourdi si mathématiquement que l’exécution en devenait fatale. Le cycle des événements, mû jadis par sa volonté, se déroulait maintenant en dehors de sa volonté et, quoi qu’il fît, s’achèverait avec la rigueur inflexible d’une loi naturelle.

Il fut sur le point de tomber à genoux et de tout avouer.

À ce moment le vieux prononça, la voix languissante :

— Eh bien, tu ne t’en vas pas. Je dormais déjà.

Il s’en alla. Dehors il trouverait, il fallait qu’il trouvât un obstacle à son