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rai à Paris, sur les fonds que je sollicite de votre confiance… »

En attendant un refus probable, Marc s’occupa d’une autre question. Elle se résolut vite. Un livre de médecine lui indiqua des formules. Ses connaissances en chimie étaient suffisantes. S’entourant de précautions, il fréquenta le pharmacien du bourg le plus proche et, sous prétexte d’expérience, se servit de son laboratoire. Aisément il prit les substances nécessaires.

À la même époque il reçut une lettre. Voisin acceptait.

Loin de le réjouir, cette réponse l’atterra. Au fond il espérait un échec, et que son plan fût réduit en poussière. Et tout à coup il s’apercevait que la machination était prête, les moindres détails réglés, les barrières démolies, comme un complot dont l’instigateur n’aurait plus qu’à donner le signal.

Il voulut vaincre son égarement. De sombres combats s’annonçaient, qui marqueraient peut-être sa défaite. Il fallait se recueillir et savoir, pour mieux se défendre.

Alors il comprit que, depuis des mois, il mentait. Volontairement dupe d’une comédie subtile, il vivait dans une inconscience d’esprit aussi profonde que l’inconscience physique où sa main s’était armée d’un couteau. Le cours véritable de ses idées évoluait sous le fourmillement des idées factices et visibles qu’exprimaient ses phrases. Tout un être pensait en lui derrière l’être qui monologuait, et l’être intérieur consentait enfin à se démasquer.

Au total, du commencement de sa crise à l’heure actuelle, il n’avait cessé de poursuivre son but par les moyens les plus propres à l’atteindre. Ses tergi-