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un malade, et elle lui prend son âme pour la réconforter au contact de la sienne. Et l’âme corrompue se guérit, elle palpite de frissons inconnus, des espoirs et des volontés nouvelles secouent sa torpeur.

La chère créature ! elle a pénétré dans le château de son bonheur, et il s’imagine que ce château se transforme. Ils se promènent ensemble. Ils jouent comme des enfants. Les murs nus s’ornent de fleurs, de l’herbe gaie croît entre les pavés des cours, et des sables arides. Bertrande fait jaillir les fontaines fraîches.

Elle ne s’en ira pas. Oh ! il ne faut pas qu’elle s’en aille. Elle change l’aspect des choses, elle est la fée qui colore les plantes et purifie le ciel. Il la gardera près de lui, dans sa cachette profonde. Elle partagera ses petites habitudes de bête sournoise, ses petites occupations, ses petits amusements, ses petites ruses d’insecte traqué.

Mais elle ne veut pas. Elle s’enfuit. Et Marc éperdu de souffrance court vers elle pour la rejoindre. Et c’est alors que la réalité apparaît ; il est prisonnier. Il cherche, il tâtonne, Bertrande s’éloigne de sa demeure, et lui ne trouve point de porte. Il est en prison dans son bonheur, dans le château qu’il a édifié et dont il ne peut plus sortir. Il a des chaînes qui lui pèsent aux chevilles et aux poignets. Il est l’esclave qui rêve de s’échapper : le maître monte la garde, impitoyable.

Pourtant Bertrande l’appelle. Par dessus les murailles, il voit l’horizon où elle l’attend, horizon de lumière et de