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— C’est jeudi le mariage de Bertrande.

Cette nouvelle aurait dû le bouleverser, et tout de suite il se répéta :

— Comme je souffre ! Mon Dieu, que je souffre !

Il n’en était rien. Il avait déjà noté que la date de ce mariage approchait, et néanmoins, sauf un vague trouble de jalousie, il n’éprouvait aucune souffrance. N’aimait-il plus ?

Seul, il saisit une plume. Une page écrite résoudrait le mystère. Mais, dès les premières lignes, il s’arrêtait, n’osant pénétrer au fond de sa conscience.

Alors, il évita de penser. Il opposa son inertie comme digue à la marée tumultueuse des idées et des raisonnements. Il les pressentait tous accusateurs, acerbes, impitoyables pour sa conduite et pour la tenue générale de sa vie. Tous ils se ruaient à l’assaut de passé.

Sans relâche, Hélienne consolida la digue protectrice. Il la fortifiait avec des matériaux étrangers ; impressions de la rue, observations sur les gens rencontrés, soucis de toilette, de santé, de fortune, de famille. Le rempart grandissait. Mais, par les interstices, suintèrent, à la longue, des infiltrations dangereuses. C’étaient des bribes de pensée, des bouts de phrase, un cri de sincérité, le jet d’un aveu. Et le niveau de compréhension montait, et, malgré lui, Marc commençait à entrevoir le sens de ses actes.