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Il erra jusqu’au coucher du soleil. Des idées se coordonnaient. Ainsi il choisit l’heure, minuit. À minuit, il sortirait de sa chambre et frapperait à celle de Louise. Et il prévit assez nettement ce qui se passerait alors.

Au dîner, en face de sa femme, il n’eut point de trouble. Elle ne lui apparaissait pas comme quelqu’un qu’il se disposait à tuer, même pas comme un être avec qui il eût affaire. Son destin l’occupait exclusivement.

Il monta au second étage pour vérifier quelques détails, puis, tout le soir, il se promena. Le vent, l’obscurité persistante, le ravirent.

Il rentra tard. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres et, dans l’escalier, le long des corridors qui le menèrent à sa chambre, il ne perçut aucun bruit.

Il reprit son plan. L’ayant remanié, complété et soumis à un examen sévère, il l’exposa en ces termes :

— Je frappe, Louise m’ouvre, je lui dis hâtivement : « Il y a un homme dans la maison, prête-moi ton revolver. » Ce revolver est toujours à portée de sa main, car elle est très peureuse. Je fais fonctionner l’arme, le canon dirigé vers sa poitrine. Le coup part. Là, il faut du sang-froid. Avant qu’on puisse venir au bruit de la détonation, j’ai quelques minutes. Je pousse le verrou. Puis j’ouvre la fenêtre et je monte sur le rebord du toit. Par le vasistas, il m’est matériellement possible de refermer la fenêtre. Puis je tire à moi le vasistas et je regagne ma chambre. On croira au suicide. Comment n’y croirait-on pas ? Tout sera clos à l’intérieur.