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tique. L’angoisse de l’exécution, il ne l’envisageait même pas. Les conséquences dangereuses pour son repos intime, il les niait.

— Donc le programme est de déjouer les soupçons.

Tarder l’énervait. Sur Bertrande et sur lui pesait l’approche d’un grand événement. Dans l’attente anxieuse et parfois, cependant, aussi douce qu’une trêve, ils se hâtaient d’évoquer les premières émotions de leur amour. Une catastrophe imminente allait séparer violemment leur avenir de leur passé, et à ce cher passé, ils se rattachaient avec reconnaissance.

Il y avait eu de si jolis instants entre eux ! Ceux mêmes du désir les charmaient. Longuement ils reconstituaient les plus futiles détails de leur aveu, à la Chevrotière. Avant tout, ils s’exaltaient au récit de leur rencontre sur la plage de la Bernerie.

— À peine, murmurait Hélienne, — car ils s’entretenaient à voix basse de ces choses défuntes, — à peine si je comprends ce que j’ai éprouvé, l’étrange phénomène qui dévêtit mon âme et la jeta contre votre âme nue. Mais alors, pour vous, mon amie, je ne comprends rien, expliquez-moi…

Bertrande ne s’obstinait plus au silence. Elle parlait. Et Marc apprenait qu’elle avait subi les mêmes émotions et les mêmes extases que lui. Ignorants l’un de l’autre, ils se connaissaient tout à coup, sans avoir échangé un mot ou un regard, connaissance absolue, établie en dehors des gestes et des faits par la sympathie d’âmes analogues qu’émeut le mystère d’une heure.

Et c’est pourquoi elle n’avait pu fuir, le lien nouveau l’en empêchant, et pour-