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pelle, une pioche, et j’abattrais de la bonne besogne.

— Mes bras me suffisent, répondit M. Hélienne.

Marc ne se découragea pas. Travaille qui veut. Il déblaya la rivière en face de la maison, ménageant une ouverture au travers de l’oseraie pour mieux voir de sa fenêtre couler l’eau limpide et joyeuse. Des bois voisins, en prévision du froid, il rapportait le soir des fagots et des fougères.

Surtout il se promenait. Il explora l’autre borne de son domaine. Un château l’occupait, château Louis xiii en briques et pierres grises, avec tourelles carrées et grand toit de tuiles. Marc s’enthousiasma de sa grâce et de sa délicatesse. De toutes parts l’eau l’entourait. Par devant, sur le large fossé, s’étalait, en forme de donjon, une belle porte Renaissance, emmaillotée de lierre, sauf au fronton que décoraient d’énormes armoiries, d’une vétusté glorieuse.

L’absence des maîtres lui permit de visiter le parc, derrière le château. Une pelouse s’élevait au flanc de la colline. Il s’y coucha. En bas le vieil étang, jonché de nénuphars, ceignait de sa moire immobile le pied moisi des vieilles murailles. Des nuages pesaient au-dessus du toit. Et le jeune homme, en minutes oublieuses, ressuscitait les époques abolies des seigneurs et des châtelaines, et, l’œil pris par le miroir glauque du lac, s’aventurait plus profondément jusqu’au seuil des temps, aux périodes brumeuses où dans l’haleine chaude des marais, dans le croupissement des boues, la vie naissait de la mort des eaux.

Dès lors ce fut son pèlerinage favori,