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cette existence. Le procédé trouvé, le reste est enfantin : à peu de chose près, je n’aurai qu’à répéter ce qui m’a si bien réussi. Le problème réside donc tout uniment dans mon imagination. La mettrai-je en mouvement ?

Qu’il le voulût ou non, elle s’y mettait d’elle-même. Et soudain Marc se surprenait en flagrant délit d’arrangements coupables. Les hypocrisies recommencèrent. L’être que visait son effort n’était plus sa femme, mais un individu quelconque, son beau-père, le bonhomme Altier, un paysan, ou bien un personnage créé de toutes pièces et qu’ainsi il destinait plus commodément à la mort.

Les genres de destruction les plus variés se succédèrent. Il étrangla une vieille dame, il en pendit une autre, il noya son domestique. D’un coup de coude négligemment, il fit rouler dans le vide un promeneur qui côtoyait le bord d’une falaise.

Cette dernière image revenait souvent. Elle se glissa parmi des cauchemars. Et le même décor l’accompagnait. Un matin, Marc offrit à Louise de la conduire à Préfailles, dont les rochers sont fameux. Ils y déjeunèrent. Il fut joyeux et prévenant. Le repas fini, il l’entraîna vers la mer et ils se perdirent dans un éboulis de rocs formidables, chaos de sauvagerie et de désolation. S’étant attardé pour allumer un cigare, il rejoignit Louise. En un ressaut de falaise à pic, elle l’attendait, debout, les yeux fixés à l’horizon, les mains croisées derrière le dos.

Hélienne s’arrêta, confondu. C’était l’attitude de son promeneur ordinaire. Il s’approcha, un vertige l’étourdit. C’était le décor de ses cauchemars. Oui, en bas, l’écume de la mer rageuse… ici