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qu’il s’apaisa. Quelques jours de joie en résultèrent. Bertrande livrait son âme reconquise. Ils pensaient ensemble et Marc se disait :

— Voilà, je m’interdis tout espoir, je l’aimerai simplement, comme elle veut l’être. N’ai-je pas un bonheur suffisant, quand elle est près de moi, sans raideur, sans défiance ?

Il l’appelait son amie, il s’intitulait son frère.

Mais il ne put résister à une tentation qui se renouvelait trop fréquemment. Bertrande ne manquait pas de se baigner chaque matin sur la petite plage de Gourmalon. Elle lui avait fait promettre de n’y pas aller. Il y alla.

Elle nageait au bord, parmi trois ou quatre enfants et une vieille dame. Il ne vit que sa tête que recouvrait, en guise de bonnet, un morceau de flanelle rouge. Comme elle sortait de l’eau cherchant des yeux son peignoir qui s’étalait sur le sable, elle aperçut Hélienne. D’un geste, elle lui enjoignit de partir. Pour toute réponse, il marcha vers le linge et le saisit.

Un moment, Bertrande hésita, le buste rentré dans l’eau, et il eut peur qu’elle ne s’obstinât à exiger son départ. Puis, se décidant, elle gravit à pas lents la pente du rivage. Il ouvrit le peignoir pour l’en envelopper. Elle ne s’arrêta pas.

Il eut l’impression douloureuse qu’une étrangère passait devant lui. Était-ce la même femme, cette créature hautaine qui semblait ne pas le connaître, et la douce Bertrande si miséricordieuse aux faiblesses de son amant. Elle disparut dans sa cabine. Il n’osa l’atteindre.

Mais il avait vu, sous l’étoffe mouillée, l’écartement des seins et la courbe